Shojin Ryori : une tradition culinaire durable venue de Fukui
Le maître zen Dōgen (1200–1253), fondateur du temple d’Eiheiji, a posé ici, à Fukui, les bases de la cuisine bouddhique shōjin ryōri au Japon. Ce style culinaire durable s’appuie sur les enseignements bouddhistes de compassion envers tous les êtres vivants : aucun produit animal n’est utilisé, et l’accent est mis sur notre lien avec la nature.
Dans cette philosophie, rien n’est gaspillé : chaque partie des ingrédients – pelures, racines et tiges – est valorisée, par respect pour la vie offerte. Aujourd’hui, le shōjin ryōri s’est répandu bien au-delà d’Eiheiji, et de nombreux temples de Fukui proposent aux visiteurs de découvrir cette cuisine spirituelle, parfois appelée « cuisine de la dévotion ».

Les principes du Shojin Ryori
Le pilier du shōjin ryōri au Japon repose sur un texte rédigé par Dōgen il y a environ 800 ans : le Tenzo Kyōkun (« Instructions pour le cuisinier »). Lors de sa pratique en Chine, Dōgen constata que les moines japonais accordaient peu d’importance à la nourriture dans leur discipline religieuse. Son essai venait combler ce manque : il affirma que le rôle du tenzo – confié à des moines hautement disciplinés – consistait à porter la lourde responsabilité de nourrir la communauté.
À Eiheiji, tous les repas sont préparés par les moines sous la supervision du tenzo. Leur pratique culinaire repose sur trois idéaux appelés les Trois Esprits :
L’Esprit joyeux : ne jamais oublier la joie de cuisiner, d’accueillir et de pratiquer le bouddhisme.
L’Esprit nourricier : préparer avec soin et bienveillance, comme des parents prenant soin de leurs enfants.
L’Esprit magnanime : adopter une attitude généreuse et ouverte, sans préjugés.
La structure des repas est simple mais codifiée :
Le petit-déjeuner : porridge de riz et légumes marinés.
Le déjeuner : riz, soupe, légumes marinés et un accompagnement.
Le dîner : identique au déjeuner, mais avec deux accompagnements.
Il est possible de séjourner à Eiheiji certaines nuits, avec des repas shōjin ryōri inclus. Plusieurs restaurants situés sur la route menant au temple servent également cette cuisine végétale, et les boutiques proposent des spécialités associées, comme le goma-dōfu (tofu de sésame) ou l’abura-age (tofu frit).
Respecter la nourriture comme un bien matériel et spirituel
Manger comme une pratique spirituelle
Au cœur de cette pratique se trouvent les Cinq Réflexions :
Nous réfléchissons à l’effort qui a permis à cette nourriture de nous parvenir.
Nous réfléchissons à notre vertu et nous demandons si nous sommes dignes de cette offrande.
Nous considérons la convoitise comme un obstacle à la liberté de l’esprit.
Nous voyons ce repas comme un remède qui soutient notre vie.
Pour l’éveil, nous recevons maintenant cette nourriture.
Ainsi, même les légumes sont considérés comme des vies offertes : cuisiner est une pratique spirituelle, et manger l’est tout autant.
Redonner au monde, même à travers les repas
Une fois le repas terminé, chaque convive reçoit de l’eau chaude dans son plus grand bol. Cette eau sert à le nettoyer à l’aide d’un petit ustensile que chaque moine garde dans son set de repas. L’eau de rinçage est ensuite versée dans le bol suivant, jusqu’à ce que toute la vaisselle soit propre. Comme elle contient encore des nutriments, cette eau est collectée comme aumône liquide.De plus, au déjeuner, chaque moine offre quelques grains de riz en aumône.
Ces offrandes sont ensuite redistribuées : l’eau est versée dans une rivière, et le riz est donné aux oiseaux et aux insectes. C’est une manière de partager la vie offerte par le repas, et de rendre à la nature ce qui a été reçu. Ces gestes symbolisent l’essence même du shōjin ryōri : considérer chaque repas comme un acte de respect et de gratitude envers le monde.







